Interface nerveuse numérique Mind’s Eye (Anon, 4:15).

Exemple d’un espace de travail sans ordinateurs visibles (Anon, 29:30)

Navigation dans le réseau policier Ether par le biais de l’interface nerveuse numérique (Anon, 5:12)

Titre

Mind’s Eye + Ether

Description

Dans la diégèse du film Anon (Andrew Niccol, 2018), la grande majorité des individus porte un implant numérique par le biais duquel ceux-ci sont surveillés en permanence. L’implant, que l’on peut supposer être rétinien, génère une interface nerveuse numérique ayant de multiples fonctions. Contrôlé par la pensée, le dispositif communément appelé Mind’s Eye (l’œil de l’esprit) se superpose à la vue et permet par exemple de traduire les langues étrangères en temps réel, de reconnaître les visages et les personnes que l’on croise, d’écouter de la musique « dans sa tête », de payer ses achats, de téléphoner ou encore de transmettre des fichiers entre implantés. Suivant la logique de la réalité « augmentée » (éléments interfaciels superposés à la vue subjective), l’interface translucide affiche de nombreuses informations (nom et profession des personnes croisées, informations publicitaires, informations nutritionnelles, etc.) et assiste la vie quotidienne par le biais d’une reconnaissance algorithmique des activités (un avertissement surgit par exemple si un individu se trouve dans une situation dangereuse). Anon présente ainsi un monde futur hyperconnecté et hypersurveillé où nos terminaux personnels d’usage ont disparus; les ordinateurs personnels et les téléphones, par exemple, ne sont plus nécessaires puisque tout se trouve désormais « dans la tête ». Les technologies ont été invisibilisées, leurs fonctions ayant convergé dans la bionanopuce. Cette technologie s’inscrit dans l’idéologie du « frictionless » ou de l’interface dite « naturelle ». Cependant, puisque les implants sont intracorporels, il est très difficile pour leurs usagers de se défaire de l’emprise des mesures de contrôle qu’elles permettent. Anon représente ainsi une société où l’anonymat est considéré comme l’ennemi numéro un (52:53). L’implant ne peut être activé ou désactivé suivant la volonté de son usager-porteur. En fait, les percepts de celui-ci sont constamment médiés par l’interface nerveuse numérique et ce qu’il entend et voit est systématiquement enregistré et stocké sous format numérique. Une quantité incommensurable d’archives audiovisuelles en plans subjectifs est ainsi produite et centralisée dans un réseau de données nommé Ether, que contrôlent les forces de l’ordre. La police peut ainsi naviguer dans Ether, visionner les images d’un individu suspect et même accéder à ce que ce dernier perçoit en temps réel. Pour les quidams, le système interfacé se présente moins sous les traits d’un système de contrôle et de surveillance que comme un service qui les assiste quotidiennement et conserve les traces numériques de leur existence à la manière d’un dispositif d’hyperlifelogging. Malgré tout, comme le rappelle un personnage, lorsque tout est connecté, tout devient vulnérable. Dans le récit, des pirates informatiques parviennent à modifier la vision « augmentée » des personnes, à créer des hallucinations perceptives par le biais de programmes informatiques et à effacer des « souvenirs numériques » (enregistrements de percepts stockés sous un format numérique). Les données et métadonnées enregistrées par l’implant et stockées dans Ether sont considérées comme des éléments de preuve probants par la police. Or, la possibilité de leur piratage remet évidemment en question leur fiabilité, et avec elle les méthodes d’enquête policières, qui reposent essentiellement sur l’usage immodéré de cette technologie. Cette technologie imaginaire fait sensiblement écho à XKEYSCORE, le logiciel espion réel de la National Security Agency (NSA). Edward Snowden (2019) écrit que c’est ce qu’il a «  pu voir de plus proche de la science-fiction dans la science elle-même : une interface permettant de taper l’adresse, le numéro de téléphone ou l’adresse IP d’à peu près n’importe qui et de se plonger dans l’histoire récente de son activité en ligne » (p. 311); « Le programme qui rendait possible cet accès était appelé XKEYSCORE, que l’on pourrait décrire comme un moteur de recherche permettant à l’analyste de chercher dans tous les enregistrements de votre vie. Imaginez une sorte de Google qui, au lieu de montrer des pages de l’internet public, proposerait des résultats issus de vos e-mails privés, de vos chats privés, de vos fichiers privés, etc. » (p. 308). La technologie imaginée dans Anon va encore plus loin : elle donne accès en temps réel et de manière asynchrone aux percepts audiovisuels des individus.

Monde fictionnel

Niccol, Andrew, Anon, Royaume-Uni, 2018, 100 min

Mots-clés

surveillance de masse
dataveillance
piratage
contrôle
mémoire épisodique
souvenirs
usage utilitaire
usage policier
hyperlifelogging
légal
archives audiovisuelles
réalité augmentée
vue trafiquée